La réorganisation du régime de protection des salaires à l’occasion d’une procédure collective a tenu compte de la double codification actuellement en vigueur : certaines dispositions relatives, notamment, à la déclaration et à la contestation des créances ont été transférées du code de commerce vers le code du travail. Cette double codification a d’ailleurs limité la portée réformatrice du présent travail : il n’était pas question pour le GR-PACT de refondre le droit des entreprises en difficulté.
Cette section est composée selon un ordre chronologique, après la présentation de l’institution centrale qu’est l’assurance générale des salaires.
§ 1 : Assurance générale des salaires
La succession des précisions figurant aux actuels articles L. 3253-8 s. du code du travail a fini par rendre ces textes quasiment illisibles. De plus, l’interprétation extensive par la Cour de cassation de l’étendue des créances garanties permet de simplifier cette énumération. Il a été choisi de préciser le plafonnement des créances garanties dans la loi et non plus dans un texte réglementaire, en raison de l’importance que revêt cette limite pour les salariés.
a) Organisation
L. 56-1.
Tout employeur de droit privé assure ses salariés contre le risque de non-paiement des sommes nées du contrat de travail, en cas de procédure de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire.
Les salariés exécutant leur contrat de travail à l’étranger doivent être couverts par cette assurance.
Les employeurs qui, pour l’exercice d’une mission de service public, emploient des salariés de droit privé doivent également s’assurer.
L. 56-2.
La garantie est due au salarié indépendamment du respect par l’employeur de son obligation d’assurance et du respect par les organes de la procédure collective de leurs obligations relatives au paiement des sommes couvertes.
L. 56-3.
L’assurance générale des salaires est assurée par Pôle emploi.
L. 56-4.
L’assurance est financée par une cotisation sociale assise sur une assiette identique à celle des cotisations de sécurité sociale et recouvrée selon le même régime.
b) Créances garanties
L. 56-5.
Les créances nées de la rupture du contrat de travail sont couvertes :
– si le contrat a été rompu avant un jugement d’ouverture d’une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire,
– si le contrat a été rompu après un jugement d’ouverture d’une procédure de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire, mais avant l’écoulement du délai d’un mois après le jugement qui arrête un plan de sauvegarde, un plan de redressement, un plan de cession ou qui prononce une liquidation judiciaire.
Sont toutefois exclus de la garantie les suppléments d’indemnisation et les arrérages de préretraite dus par application d’une convention collective conclue, ou par application d’une décision unilatérale prise dans les dix-huit mois qui précèdent le jugement d’ouverture de la procédure collective.
L. 56-6.
Les salariés exposés au sens des articles L. 39-1 à L. 39-7 bénéficient de la garantie prévue à l’article précédent, si la procédure de rupture de leur contrat est initiée dans les délais prévus par cet article.
L. 56-7.
En cas de liquidation judiciaire ou de conversion en liquidation judiciaire, les créances nées de l’exécution du contrat de travail sont couvertes, qu’elles soient antérieures ou postérieures à l’ouverture de la procédure.
Toutefois ne sont pas couvertes les créances nées plus d’un mois après le jugement ayant prononcé la liquidation.
L. 56-8.
La garantie inclut les cotisations et contributions sociales d’origine légale ou d’origine conventionnelle imposées par la loi.
L. 56-9.
Toutes créances confondues, la garantie est limitée en fonction de l’ancienneté du salarié, calculée à la date du jugement d’ouverture de la procédure.
Pour les salariés ayant au moins deux ans d’ancienneté, la limite est de douze fois le plafond mensuel retenu pour le calcul des contributions au régime d’assurance chômage.
Pour les salariés ayant moins de deux ans d’ancienneté, la limite est de six fois ce plafond.
L. 56-10.
Dans la semaine suivant le jugement d’ouverture, les limites à la garantie, prévues par les articles L. 56-5 à L. 56-9, sont affichées dans les locaux de travail de l’entreprise, mises en évidence sur l’éventuel intranet de l’entreprise et envoyées par courriel aux salariés, lorsque ceux-ci disposent d’une adresse électronique.
c) Action en recouvrement des sommes versées au titre de la garantie
L. 56-11.
Pôle emploi est subrogé dans les droits des salariés pour lesquels il a réalisé des avances au titre de l’assurance générale des salaires, y compris les privilèges dont ils pouvaient bénéficier.
L. 56-12.
Il agit contre l’employeur défaillant, afin d’obtenir le remboursement de l’ensemble des sommes versées.
L. 56-13.
Lorsque qu’un actionnaire exerce une influence prépondérante sur la désignation des dirigeants d’une société défaillante, il est garant des sommes versées par l’assurance générale des salaires au nom de cette société.
§ 2 : Super privilège
L. 56-14.
Lorsqu’une procédure de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire est ouverte, les sommes ayant la nature de salaire ou de remboursement de frais, dues aux salariés à la date du jugement d’ouverture sont payées selon les modalités de l’article L. 625-8 du code de commerce.
De même, les indemnités de congés payés sont payées.
Les salariés des sous-traitants bénéficient de ce super privilège sur les sommes dues à leur employeur par les donneurs d’ordre, lorsque ceux-ci font l’objet d’une procédure de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire.
§ 3 : Etablissement des créances par le mandataire judiciaire
a) Créances antérieures au jugement d’ouverture de la procédure
L. 56-15.
Les salariés sont dispensés de déclarer leurs créances au titre de L. 622-24 al. 1 du code de commerce, lorsque celles-ci sont nées du contrat de travail qui les lie au débiteur. Cette dispense bénéficie à Pôle emploi pour les sommes qu’il a avancées.
L. 56-16.
Le mandataire judiciaire vérifie les créances salariales nées du contrat de travail avant le jugement d’ouverture et en établit le relevé. Ce relevé précise le montant des cotisations et contributions afférentes à ces créances et garanties en application des dispositions de la présente section.
Le mandataire soumet pour vérification le relevé au représentant des salariés. Ce document est visé par le juge commissaire et déposé au greffe du tribunal.
Le mandataire informe par tout moyen chaque salarié de l’état de ses créances, admises ou rejetées, dans des conditions fixées par décret en Conseil d’Etat.
L. 56-17.
Après vérification, le mandataire judiciaire établit les relevés :
– des créances superprivilégiées dans les dix jours suivant le prononcé du jugement d’ouverture,
– des créances exigibles à la date du jugement d’ouverture de la procédure collective dans les trois mois suivant le prononcé de ce jugement.
L. 56-18.
La contestation par le salarié du relevé de créances est exercée dans les deux mois à compter de son information par le mandataire judiciaire, devant le tribunal social. Elle met en cause le débiteur, le liquidateur ou, selon l’étendue de son mandat, l’administrateur judiciaire.
Le salarié peut demander l’assistance ou la représentation du représentant des salariés.
La décision du tribunal social est portée sur le relevé des créances déposé au greffe du tribunal.
b) Créances postérieures au jugement d’ouverture de la procédure
L. 56-19.
Les créances nées du contrat de travail à la suite d’un jugement d’ouverture de la procédure collective sont payées à l’échéance.
A défaut, elles sont payées après les créances superprivilégiées et les frais de justice régulièrement nés après le jugement d’ouverture pour les besoins de la procédure, et avant toutes les autres créances.
L. 56-20.
Pour bénéficier des dispositions de l’article précédent, les créances doivent être portées, selon le déroulement de la procédure, à la connaissance de l’administrateur ou, à défaut, du mandataire judiciaire, du commissaire à l’exécution du plan ou du liquidateur, dans un délai d’un an à compter de la fin de la période d’observation, en cas de procédure de sauvegarde ou de redressement judiciaire, ou à compter du jugement arrêtant le plan de cession ou prononçant la liquidation.
L. 56-21.
Après vérification, le mandataire judiciaire établit les relevés :
– des créances nées de l’exécution du contrat de travail pendant la période de maintien de l’activité autorisée par le jugement de liquidation judiciaire, dans les dix jours suivant le terme de cette période de maintien,
– des autres créances dans les trois mois suivant le terme des autres périodes garanties par l’article L. 56-5.
§ 4 : Effets du jugement d’ouverture sur les instances en cours
L. 56-22.
Les instances en cours devant le tribunal social à la date du jugement d’ouverture sont poursuivies en présence du mandataire judiciaire et de l’administrateur lorsqu’il exerce une mission d’assistance.
Le mandataire judiciaire informe la juridiction saisie et les salariés parties à l’instance dans les dix jours de l’ouverture de la procédure.
A la suite de l’ouverture d’une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire, Pôle emploi, au titre de l’assurance générale des salaires, est mis en cause par le mandataire judiciaire ou, à défaut, par le salarié partie à l’instance.
L. 56-23.
A la suite de l’ouverture de la procédure, l’instance en cours ou postérieure tend uniquement à la constatation des créances et à la fixation de leur montant. Le cours des intérêts légaux et conventionnels est arrêté.
La décision de justice est inscrite sur le relevé des créances déposé au greffe du tribunal ayant ouvert la procédure.
Les décisions exécutoires s’imposent à Pôle emploi, au titre de l’assurance générale des salaires, nonobstant l’expiration des délais de garantie des créances salariales.
§ 5 : Exécution de la garantie
L. 56-24.
Si les créances des salariés ne peuvent être payées en tout ou partie sur les fonds disponibles dans les délais prévus par les articles L. 56-17 et L. 56-21, le mandataire demande à Pôle emploi, sur présentation des relevés, le versement des fonds nécessaires.
Dans le cas d’une procédure de sauvegarde, le mandataire judiciaire justifie de l’insuffisance caractérisée des fonds.
L. 56-25.
Pôle emploi verse les sommes comprises dans le relevé établi par le mandataire judiciaire, nonobstant la contestation par un tiers, ainsi que celles correspondant à des créances établies par décision judiciaire exécutoire, même après expiration des délais de garantie.
Les décisions de justice sont de plein droit opposables à Pôle emploi.
À l’expiration des fonctions du mandataire judiciaire, le greffier du tribunal ou le commissaire à l’exécution du plan adresse un relevé à Pôle emploi, aux fins de versement des sommes aux salariés et aux organismes créanciers.
L. 56-26.
Pôle emploi verse au mandataire judiciaire les sommes figurant sur les relevés et restées impayées dans les cinq jours suivant la réception des relevés.
L. 56-27.
Le mandataire judiciaire reverse immédiatement les sommes reçues aux salariés ainsi qu’aux organismes créanciers, à l’exclusion des créanciers subrogés dans les droits des salariés. Il en informe le représentant des salariés.
L. 56-28.
Lorsque Pôle emploi, saisi par le mandataire en application de l’article L. 56-24, refuse de régler une créance figurant sur un relevé et résultant d’un contrat de travail, l’institution fait connaître son refus au mandataire judiciaire qui en informe immédiatement le salarié concerné ainsi que le représentant des salariés.
Dans le cas d’une procédure de sauvegarde, lorsque le mandataire invoque l’insuffisance des fonds, Pôle emploi conteste cette insuffisance devant le juge commissaire, qui peut autoriser l’avance.
Le salarié, avec l’assistance ou la représentation éventuelle du représentant des salariés, peut saisir du litige le bureau de jugement du tribunal social. Le mandataire judiciaire, le débiteur et l’administrateur, lorsqu’il exerce une mission d’assistance, sont mis en cause.
§ 6 : Insolvabilité d’un employeur établi à l’étranger
a) Employeur établi dans un autre Etat membre de l’Union européenne ou de l’Espace économique européen
L. 56-29.
Pôle emploi couvre le règlement des créances impayées aux salariés qui exercent ou exerçaient habituellement leur activité sur le territoire français, pour le compte d’un employeur dont le siège social, s’il s’agit d’une personne morale, ou, s’il s’agit d’une personne physique, dont l’activité ou l’adresse de l’entreprise est située sur le territoire d’un autre Etat membre de l’Union européenne ou de l’Espace économique européen, lorsque cet employeur se trouve en état d’insolvabilité.
L. 56-30.
Un employeur est déclaré en état d’insolvabilité lorsqu’une autorité compétente, en application de dispositions législatives, réglementaires et administratives d’un Etat membre de l’Union européenne ou de l’Espace économique européen, a décidé l’ouverture de la procédure ou constaté la fermeture de l’entreprise ou de l’établissement de l’employeur ainsi que l’insuffisance de l’actif disponible pour justifier l’ouverture de la procédure.
L. 56-31.
La garantie, les modalités de versement des sommes et de subrogation s’exercent dans les conditions prévues aux articles 56-5 et suivants du présent code.
Si les créances ne peuvent être payées en tout ou partie sur les fonds disponibles, Pôle emploi procède au versement des fonds sur présentation par le syndic étranger ou par toute autre personne exerçant une fonction similaire à celle de mandataire judiciaire, d’administrateur judiciaire ou de liquidateur, des relevés des créances impayées. Les sommes figurant sur ces relevés et restées impayées sont directement versées au salarié dans un délai d’une semaine suivant la réception des relevés des créances.
Lorsque le mandataire judiciaire, l’administrateur judiciaire ou le liquidateur reçoit d’une institution située dans un autre Etat membre équivalente à Pôle emploi les sommes dues aux salariés, il reverse immédiatement ces sommes aux salariés concernés. Le mandataire judiciaire ou le liquidateur transmet à toute institution située dans un autre Etat membre équivalente à Pôle emploi les relevés des créances impayées.
b) Employeur établi hors d’un Etat membre de l’Union européenne ou de l’Espace économique européen
L. 56-32.
Lorsque l’employeur est établi hors du territoire d’un Etat membre de l’Union européenne ou de l’Espace économique européen, la garantie est due dans les conditions des articles L. 56-29 et suivant dès lors que les salariés exercent ou exerçaient habituellement leur travail en France et qu’une procédure collective d’apurement du passif de l’employeur est ouverte en France ou, lorsqu’elle est ouverte dans un pays extérieur à l’Union européenne ou de l’Espace économique européen, a fait l’objet d’une décision d’exequatur.