Mes remerciements ne seront pas que d’usage. Ils sont le témoignage de l’intérêt que porte la CGT aux travaux du GR-PACT sous la conduite d’Emmanuel DOCKES. L’initiative de ce jour a d’autant d’intérêt qu’elle a permis à la fois un regard pluridisciplinaire et la confrontation avec les expériences anglaises et italiennes. Cette proposition d’un nouveau code du travail constitue, à nos yeux, un véritable appui revendicatif.
Pour la CGT, le combat contre la loi Travail n’est pas terminé avec la promulgation de la loi le 8 août 2016. Il ne peut se limiter aux 14 journées nationales interprofessionnelles de mobilisations du 9 mars au 15 septembre 2016 et aux nombreuses luttes qui ont eu lieu dans les secteurs professionnels (transports, chimie, ports et docks, territoriaux, énergie, …).
Cette lutte pour la mise en échec de la loi travail et pour des droits nouveaux se poursuit. Nous avons décidé que la loi travail n’entrera pas dans l’entreprise. Cela passe par :
-> La multiplication des luttes professionnelles et dans les entreprises,
-> Des journées de formation sur la loi travail ; Comment la combattre en proximité des salariés à partir des cahiers revendicatifs,
-> Une plateforme alternative unitaire CGT/FSU/Solidaires/UNEF/UNL/FIDL rendue publique le 28 mars pour mettre la question du Travail au cœur des enjeux dans le débat démocratique que les élections politiques doivent amplifier.
La participation de la CGT à la Conférence/Débat de ce jour sur la proposition du GR-PACT d’un nouveau code du Travail s’inscrit pleinement dans cette démarche.
La première réflexion qui me vient à l’issue de cette journée, c’est une comparaison avec une invitation récente, quelque peu surréaliste, qui nous a été faite par une commission sénatoriale formée à la demande de l’UDI, dont l’objet est, je le cite quasiment mot pour mot, « comment faire une réforme du droit du travail sans soulever de mouvement de contestation. »
Tout un programme, à laquelle cette journée apporte une réponse progressiste tant sur la forme que sur le fond. Puisque c’est bien à partir du contenu de la réforme, de son orientation, que l’adhésion ou le rejet s’exprimera.
Sur la forme, La CGT a apprécié la démarche participative et contributive qui a guidé la construction de cette proposition de code du travail.
La CGT par le pôle confédéral DLAJ (Droit et libertés, Activité Juridique) a participé de façon constante aux travaux du groupe de recherche :
- Le 8 décembre 2015 à Nanterre, à la journée d’étude réunissant les membres du GR-PACT et les représentants des organisations syndicales autour des grandes réformes à intégrer au code du travail
- Le 22 janvier 2016, à la journée d’étude sur « Quelles idées pour un nouveau code du travail »
- Du 6 au 12 mars, au séminaire de travail à Goutelas
- Le 18 octobre 2016, à la journée de travail à Nanterre sur l’ensemble des thèmes pour bouclage du projet.
Une démarche aux antipodes, d’une réforme du code du travail découverte un petit matin de février 2016 à la lecture de la presse, menée sans aucune véritable concertation et adoptée à coup de trois 49.3 car, rappelons le, minoritaire au Parlement, comme toujours minoritaire parmi nos concitoyens et au sein des organisations syndicales de salariés.
Pour le contenu, la proposition de code du travail démontre, à l’opposé des objectifs de la réforme voulue pour le gouvernement, la possibilité, pour peu d’en avoir la volonté, d’allier une réécriture complète du code du travail pour le simplifier tout en proposant de nouvelles protections aux travailleurs pour répondre aux enjeux de notre temps.
Nous adhérons au fait que le fondement du code du travail est de rééquilibrer la relation de travail entre un salarié et un employeur, marquée par le lien de subordination, en dotant le salarié de protections et garanties. En aucun cas, un marché du travail assoupli ne crée de l’emploi. Affaiblir les droits et protections des salariés revient à permettre le dumping social et au final, à affaiblir aussi le tissu d’entreprises mises en concurrence.
Certes, le contenu de cette proposition d’un nouveau code du travail, ne sont pas les repères revendicatifs de la CGT. Je rappelle que la CGT avait fait connaître ses réflexions pour bâtir un code du travail du XXIème siècle. Mais la vision proposée par le GR-PACT, même si les modalités diffèrent et que des dispositions soulèvent des désaccords, nous la partageons.
La CGT aurait pu s’inscrire à l’ensemble des tables rondes proposées. Nous sommes déjà intervenus concernant la protection et le développement du Temps Libre (Anaïs Ferrer) et sur la représentativité syndicale et négociation collective (Catherine Perret). Je concentrerais mes propos sur quelques points seulement.
Oui, Il faut rétablir la hiérarchie des normes et le principe de faveur. Tout en allant plus loin que le retour à la situation antérieure. C’est pourquoi nous proposons l’inscription dans la constitution de ces principes de façon à redonner tout son sens à la négociation collective. Pour qu’elle redevienne une négociation d’acquisition et non de régression soumise au chantage à l’emploi. C’est aussi à la fois un moyen de lutter contre l’inégalité des droits entre les salariés selon l’entreprise ou ils travaillent et de lutter contre le dumping social.
La réduction du temps de travail à 32 heures est abordée par le biais de l’annualisation du temps de travail. Nous la voyons nous comme norme légale sans perte de salaire même si les modalités doivent être négociées et adaptées aux réalités du travail. Pour autant, nous trouvons grand intérêt à conforter les 35 heures telle que la proposition du code du travail l’aborde ; Lorsqu’on sait que le temps moyen de travail hebdomadaire est en réalité plus proche des 39 heures compte-tenu de très nombreuses dérogations voulues par le patronat mettant à mal la durée légale du temps de travail. Dérogations, disons-le au passage, qui sont également la source de l’embonpoint du code du travail.
Travailler moins, travailler mieux, travailler tous est un aussi un moyen de relever les enjeux technologiques et numérique d’aujourd’hui. Concernant cette « Ubérisation » dite de l’économie, nous approuvons le parti pris d’intégrer les travailleurs indépendants, du moins une partie d’entre eux dans le code du travail et non dans le code du commerce, évitant la création d’un statut de surexploitation et d’une « zone grise ». J’y vois là une passerelle avec la volonté de la CGT d’organiser les travailleurs économiquement dépendants qui n’ont pas le statut de salarié mais au-delà de donner concrétisation au statut du travail salarié que nous portons depuis plusieurs années, afin de rendre le salarié plus autonome avec des droits rattachés à la personne, garantis collectivement, et transférables et opposables aux employeurs.
Prendre en compte l’organisation du travail telle qu’elle est aujourd’hui, c’est effectivement redéfinir la notion d’établissement pour l’élargir à celle de communauté de travail intervenant sur un même lieu, même si Le couplage avec la représentation du personnel reste à mieux articuler. Je rapproche cette conception de notre volonté de mettre en place des syndicats de site, de favoriser la création de CHSCT communs et d’un dialogue social territorial.
Le renforcement des droits des privés d’emplois, l’extinction des sociétés de travail temporaire et des nouveaux droits adossés au CDD – entretien préalable de licenciement à la fin de la période et reclassement du salarié si un autre poste est disponible – sont des pistes novatrices pour lutter contre la précarisation du salariat. Elles sont à creuser en opposition frontale au contrat unique proposé par le patronat, à l’heure où, sous couvert de sauver le paritarisme, les acteurs sociaux ont renoncé à la taxation des contrats courts.
La transformation des jours fériés au titre des fêtes religieuses en une sixième semaine de congés à utiliser librement en fonction de choix religieux ou non une est démarche bien plus respectueuse de la laïcité que la disposition de la loi travail édictant l’établissent d’un règlement intérieur pouvant dangereusement conduire au délit d’opinion et à la chasse aux syndicalistes.
Je le disais en préambule, le combat contre la loi travail n’est pas fini. Non seulement parce que le gouvernement, même sur le départ, n’a pas abandonné son idée de poursuivre la réforme en mandatant France Stratégie sur le « casting » d’une future commission de réécriture du code et sur la méthode à employer pour ce faire, mais principalement parce qu’un code du travail pour répondre aux enjeux et défis du XXIème siècle, améliorant les garanties et les protections des travailleurs, est une nécessité. Nous entendons mettre au centre du débat à la fois l’abrogation de la loi El Khomri et nos revendications en matière de droits d’intervention et de protection renforcée des salariés.
Cette production y contribue. Les échanges, les apports, les contradictions même, sont à prolonger pour l’améliorer. Par exemple, a contrario du référendum d’entreprise, dont la première expérimentation a été donné à voir à RTE, il y a nécessité de fortifier le droit syndical, le droit d’intervention des IRP avec un veto suspensif pour les licenciements et le droit de contrôle sur l’affectation des aides publiques.
Ce colloque a été annoncé ouvert sur le monde. La participation d’intervenants extérieurs à notre pays, cela ouvre effectivement sur des perspectives alternatives européennes. Nous y voyons de la même manière le besoin d’élargir le cercle de la discussion, de rendre ces propositions plus en proximité de la « vraie vie » en les mettant en débat avec les salariés ; les confronter avec ce qu’ils vivent dans les entreprises pour vérifier de leurs pertinences ou alors remettre l’ouvrage sur le métier. Cette démarche intéresse le « monde du travail ». Nous avons commencé à l’expérimenter auprès de responsables syndicaux et de militants d’entreprise. Nous avons des idées pour prolonger cette journée en menant le débat en grand à partir de la réalité vécue par les salariés et leurs représentants.
… Mais de cela, j’en parlerais le moment venu et le moment est venu pour moi de passer la parole.